Qui peut écrire quoi ?
La légitimité passe-t-elle forcément par une expertise ?
ÉCRIRERÉFLEXION
2/13/20243 min read


La question de la légitimité de l'écrivain dans la non-fiction n'est pas discutable : un essayiste doit connaître son sujet, y avoir une certaine expertise pour en parler. Mais qu'en est-il dans la création d'univers d'une œuvre fictionnelle ? Doit-on forcément être expert pour créer ?
N'importe qui peut écrire n'importe quoi...
Sans y aller par quatre chemins, je fais partie de ceux qui pensent qu'un écrivain doit être libre de son sujet, peu importe son niveau d'expertise. Ainsi, un écrivain n'a pas besoin d'être astrophysicien pour écrire de la science-fiction, d'être policier pour écrire un polar ou d'être un homme pour écrire au masculin. Sinon, nous n'aurions tout simplement jamais de roman sur des crimes en série, pas d'histoire de fantasy ou de récits sur les vampires (enfin, je crois 🤔).
La beauté de l’écriture, c'est s'approprier le monde, raconter des histoires qui transportent, changent l'univers, le font vivre, le défont, le réécrivent. Se limiter uniquement à ce que l'on connaît serait, à mon sens, bien trop réducteur. Beaucoup de récits n'auraient pas vu le jour malgré leur justesse, leur impact émotionnel, leur capacité à nous faire rêver. Imaginez un instant que J.K. Rowling se soit arrêtée d'écrire Harry Potter, car elle n'avait jamais pratiqué la magie ou que Bram Stocker se soit dit "je ne bois pas de sang, qui suis-je pour imaginer le ressenti d'un vampire ?".
Un écrivain doit donc se sentir libre d'explorer des horizons inconnus, de se poser des questions, de travailler la fiction sans frontière de légitimité. Car tout créateur est légitime vis-à-vis de sa pensée.
.... mais pas n'importe comment
Cependant, l'écrivain a également le devoir de ne pas raconter de conneries. Excusez le terme, mais lorsqu'on se parle de fiction, beaucoup pensent que tout est permis. Or, il existe des contraintes à la fiction. Même un roman de science-fiction se doit d'avoir un principe de vraisemblance. Si nous ne sommes pas tenus d'avoir validé une thèse sur la gravité pour écrire un space opera, il nous est tout de même demandé de ne pas jouer avec les règles fondamentales du monde. Vous pouvez vous affranchir des règles uniquement si vous avez des raisons qui expliquent que nos principes gravitationnels, d'espace-temps ou de vie ne suivent pas le même cours que dans notre réalité.
Notre monde possède ses lois qu'elles soient humaines ou naturelles. Il faut donc que votre monde réponde à ses lois. En les acceptant ou en les niant, cela est à vous de voir, mais en connaissance de cause.
De même, nous ne pouvons pas écrire sur des ethnies et des groupes sociaux sans les connaître. Même s'il s'agit de fiction, si votre récit est réaliste, il doit impérativement être sourcé. Pour le bien de votre œuvre, mais également pour votre propre bien en tant que personne.
À l'heure de "l'appropriation culturelle", un auteur se doit d'être très prudent lorsqu'il utilise des personnages, des lieux ou des religions qui ne lui sont pas propres. Sans s'interdire de le faire, il est cependant nécessaire de bien connaître son thème, d'être au courant des sujets douloureux, de discorde ou délicats. Se renseigner, alimenter sa réflexion par des discussions, des témoignages peut être une belle façon de rencontrer votre sujet et d'ouvrir votre esprit. On en revient ici à l'empathie.
Prendre la peau d'un autre lors d'un récit, c'est voir le monde sous son prisme. Même si nous ne devons pas nous oublier, nous effacer lors de l'écriture, il est important de garder l'autre en tête.
Ceci n'est donc qu'un avis très personnel, mais je pense que la légitimité de l'écrivain sur ce qu'il aborde est une fausse question. Le travail d'un auteur de fiction est de raconter, via une histoire, de sa version du monde. Mais si on ne lui demande pas d'être un expert pour traiter d'un sujet, il a le devoir de faire preuve d'ouverture, de se renseigner et de combler ses lacunes sur le thème abordé.