La littérature blanche
Vous avez déjà entendu parler de la "blanche", mais qu'est-ce que c'est exactement ?
GENRE
2/9/20244 min read


Ce que l’on nomme communément la “blanche” s’avère être tout simplement la littérature générale, celle qui ne relève pas de la littérature de genre (SF, fantasy, romance, horreur…), ni surtout du roman policier qui, par opposition, constitue la littérature noire.
En France, on l’associe souvent à Gallimard et à sa collection blanche aux couvertures épurées, mais aussi aux grands classiques.


En tant qu’auteur
La blanche offre cependant un atout indéniable : celui de la généralité. Avec elle, on peut tout aborder, de la façon que l’on souhaite. On peut traiter de sujets de société, se mettre au milieu de son récit, jouer avec les termes, les mots, les lettres (L’OuLiPo ou encore La disparition de Georges Perec)…
On peut livrer des récits testimoniaux, touchants, poignants, transmetteurs d’espoir (Girl in pieces de Kathleen Glasgow) ou de leçon de vie.
Le principal restant d’écrire l’histoire qui nous habite.
Le genre viendra (ou non), ensuite.
La blanchevs la littérature de genre
Souvent, j’ai pu entendre « si ce roman est bon, c’est qu’il a dépassé le polar », « c’est bien plus que de la simple fantasy, c’est un classique », « la réflexion profonde sur la place de l’être humain est digne d’un vrai roman ».
Ce système biaisé de pensée touche également les auteurs : lorsque Pierre Lemaître s’est vu décerner son Goncourt en 2013, il a déclaré « Quand on est un auteur noir, qu’on écrit des polars, il arrive un moment, dans notre carrière, où l’on a envie de « sniffer de la blanche » : d’écrire des romans et de devenir, enfin, un écrivain. »
La blanche serait-elle le seul moyen de se faire reconnaître en tant qu’écrivain en France ?
La narration dans la blanche
Dans les romans de genre, on a tendance à voir un certain schéma, avec un voyage du héros, des péripéties et un climax. Tout comme au cinéma, c’est ce qui nous transporte. Mais la blanche n’y fait pas exception.
En effet, la blanche se construit, mais se permet de flouter les limites, d’arrondir les angles, de s’affranchir des règles, de jouer sur les mots. La recherche du style, la rythmique et les envolées dont les auteurs nous gâtent font parfois oublier la trame du récit (souvent volontairement) dans le plaisir de nous dérouter, de nous plonger dans un tourbillon esthète.
Le rapport au réel que sous-entend la blanche fait qu’il est possible pour l’auteur de s’affranchir totalement de définition, d’explication ou de présentation ; en partant d’une base concrète, on se focalise sur la fioriture, sur le sentiment, sur l’introspection ; en faisant mine de rien, le roman évolue, se forme, se trace, mais il nous est difficile d’en distinguer le bord.
La littérature la plus prisée du marché Français
Si elle ne se fait pas particulièrement remarquer sur les réseaux sociaux, la blanche reste néanmoins le genre le plus lu en France, représentant plus de 1 livre sur 4 achetés au premier trimestre 2023.
De plus, les grands temps forts de l’année littéraire tournent majoritairement autour de prix faisant la part belle à ce genre (Prix Goncourt, Renaudot, Femina, Medicis…). L’accord tacite étant qu’aucun véritable roman de genre n’en obtienne une reconnaissance officielle.






J’aime beaucoup la blanche, mais ma mâchoire se crispe lorsque je lis de tels propos.
La littérature générale se veut plus élaborée, mieux écrite, plus profonde que le reste des écrits. Mais j’ai lu des livres très moyens en blanche, alors que j’ai lu des choses incroyables dans d’autres genres, avec La horde du contrevent, d’Alain Damasio en tête.


La blanche se veut intelligente, presque cérébrale. Or, certains romans d’anticipation sont des pépites de réflexion sur notre humanité, notre condition, notre avenir commun : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques, de Philip K. Dick, pour n’en citer qu’un.
Quand on lit la prose de Jane Austen, Agatha Christie, Anne Rice ou encore J.R.R. Tolkien, on ne peut se dire que la blanche est la seule source de brio, bien qu’elle s’approprie la plupart des classiques fantastiques (tel Le portrait de Dorian Grey, d’Oscar Wilde).



