Architecte ou Jardinier ?
Quel écrivain êtes-vous ?
CONSEILSS'ORGANISER
1/26/20244 min read


L’écriture se vit de différentes manières. Il y a ceux qui planifient tout, connaissent chaque détail de leurs chapitres avant de commencer le premier jet et il y a ceux qui se laissent aller au gré de l’inspiration, sans rien préparer. Mais nous catégoriser ainsi ne nous enferme-t-il pas ?
La différence
Foncièrement, on ne peut réfuter l’existence des deux façons d’écrire. Il s’agit même de quelque chose d’assez profond, plus proche de notre caractère que d’une véritable méthode de travail.Oui, il existe des écrivains qui commencent leur premier jet sans avoir réfléchi à la fin de leur histoire, aux péripéties ou à tous leurs personnages. Ce sont les rois de l’improvisation et ils ont ce que j’appellerais grossièrement, l’instinct du récit. Et oui, il existe, en comparaison, des auteurs si précautionneux qu’ils sont capables de prévoir un premier jet du premier jet en détaillant leurs chapitres avant même de commencer l’écriture. Ceux-là possèdent une logique imparable.
Et si l’un et l’autre ont des forces, ils ont aussi beaucoup de faiblesses.
Les jardiniers ont souvent un premier jet bancal, plein d’incohérences et donc un gros travail de réécriture. Les architectes, quant à eux, manquent parfois de souplesse et peuvent être amenés à écrire des histoires prévisibles.
Et si on ne se reconnaît ni dans l’un, ni dans l’autre, cela signifie-t-il que nous ne sommes pas de bons écrivains ?
Bien entendu, non.
Car s’il est agréable d’en apprendre un peu sur soi en découvrant vers quel type on penche, rien n’est tout noir ou tout blanc. On peut être jardinier et prévoir certaines choses en amont. Tout comme on peut être architecte et laisser tomber son plan en cours de route. La vie est ainsi faite, pleine d’aléas et de changement, d’adaptation. L’écriture n’échappe pas cette règle.
Et heureusement.
Pour que l’écriture reste créative et un moment de plaisir, nous ne devons pas nous imposer trop de contraintes. Or, se caser dans ces typologies peut être source de stress et donc de blocage.
Si on se déclare architecte, nous nous coupons de la spontanéité qui peut prendre l’écrivain et lui donne souvent ses meilleures idées. Nous finissons par nous interdire toute déviation du plan établi, toute idée nouvelle. Et cela peut engendrer des frustrations, une lassitude et un désintérêt pour notre récit. Et donc un blocage. Tout comme le fait de planifier dans les moindres recoins. Cela nous rassure, mais parfois ce n’est qu’une excuse pour ne pas écrire. La peur d’écrire est là et on la cache sous le nom d’architecte.
Si on se déclare jardinier, on laisse l’inspiration nous guider. Mais au moment où celle-ci ne vient plus, on est démuni. Et si elle veut partir ailleurs cette inspiration ? On ne finit plus le livre en cours, on en commence un autre, dans un enchaînement d’œuvres non abouties. Notre vision romanesque de l’écrivain vient alimenter l’idée de la muse qui viendrait embrasser l’auteur pour qu’il termine un livre en 3 jours. Si cela s’est vu, il est vrai, pour certains chanceux, le métier d’écrivain s’articule surtout autour de la régularité et du professionnalisme : même quand nous n’avons pas envie d’écrire, il faut écrire. Et pour cela, avoir au moins une idée globale de son récit aide à persévérer et préserver l’estime de soi.
Entre architecte et jardinier, j’ai décidé de ne pas choisir.
Du moins, pas totalement et pas tout le temps de la même façon.
Je ne sais pas me lancer dans l’écriture sans réfléchir en amont ni sans connaître ma fin. J’ai besoin de connaître mes personnages pour qu’ils prennent vie. Mais je me refuse à tout planifier jusqu’au moindre dialogue. Et de toute manière, cela me serait impossible. Une fois qu’ils sont vivants, mes personnages agissent d’eux-mêmes et quand ils ne sont pas d’accord avec mon idée, ils me le font savoir. J’ai beau leur tordre le bras pour les faire suivre mon script, jamais ils ne s’y soumettent. Et c’est normal, car ce personnage X n’agirait pas comme ça dans la réalité, ni cette fille Y ne ferait ça face à cette situation-là. Je sais qu’ils ont raison et que j’ai tort de vouloir les obliger à prendre une direction qui n’est pas la leur.
Pour le bien du récit, je me dois de lâcher prise et de devenir non plus l’architecte ou jardinier de mon récit, mais son homme à tout faire.
L’homme à tout faire
Qui est cet homme à tout faire, que je vous propose de devenir ? C’est celui qui sait comment est batie la maison et qui en colmate les brèches au fur et à mesure. Celui qui s’adapte aux problèmes qui ne manquent pas de se poser, malgré l’architecture irréprochable de la batisse. Celui qui replante certaines fleurs quand elles ont fané, qui débroussaille lorsque le buisson a pris trop d’ampleur.
Car, comme une maison ou un jardin, un récit est vivant et si à sa construction, la base est saine, qu’elle ne souffre d’aucun oubli ou de malfaçon, elle s’érode avec le temps et la vie. Le temps d’écrire une histoire, un auteur peut changer de point de vue, être tombé amoureux d’un personnage délaissé au début, vouloir étendre son univers ou encore ouvrir la porte à un rebondissement inopiné.
L’homme à tout faire, lui, s’adapte à ces situations, il évolue avec la maison, en fonction de ses besoins.
C’est une idée que j’aime bien.
Écrivez comme vous êtes.
En bref, délestons-nous de ces cases qui nous catégorisent dans notre écriture. Aucune façon de faire n’est meilleure que l’autre, seulement celle qui nous convient à l’instant T. S’il reste important de s’imposer une certaine structure, un cadre d’écriture, n’essayons pas de rentrer dans les standards de jardinier ou d’architecte à tout prix, mais inventons notre propre voie, pour garder le plaisir d’écrire.